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Exclure et punir

  • Photo du rédacteur: polynegabinari
    polynegabinari
  • 9 juil. 2022
  • 2 min de lecture

Dernière mise à jour : 5 sept. 2022


Après 20 ans de prison, Eric Jayat est allé vivre dans différentes villes pour finalement s’enfuir dans les Cévennes où il tente, tant bien que mal, de monter son entreprise.


Texte par Eric Jayat




Selon l'OIP, 63 % des personnes condamnées à une peine de prison ferme sont recondamnées dans les cinq ans ©Pauline Gabinari



Tout le monde pense que la réinsertion commence à la sortie de prison, à la libération. Pour moi, elle doit commencer plus tôt. Je pense qu’il faut préparer les personnes qui sont détenues avant. Car en prison nous sommes sous assistanat. On est nourri, logé, l’argent perd sa valeur. Le SMIC carcéral est à 5,80 euros de l’heure. Dans une prison du Nord de la France, un détenu à même été payé 1,54 euros de l’heure. Comment retrouver sa place quand toutes ces notions sont brouillées ? Déconnectés des problématiques courantes, il est impossible pour nous d’envisager notre place à l’extérieur autant en termes d’emploi que socialement parlant.

On me dira alors : est ce que cela veut dire qu’on reste détenu toute sa vie ? Non. À partir du moment où on est libéré, on n'est plus détenu. Mais, on y pense tout le temps, dans nos moindres faits et gestes, même très longtemps après la libération. Plus la peine est longue, plus la montagne est difficile à gravir.


Je crois aussi que la véritable question est : quand s’arrête la réinsertion ? Quand est-ce que l’on peut envisager d’être quelqu’un de réinséré ? Est-ce que nous le décidons nous-même ? Est-ce que ce sont les institutions? Les personnes avec qui l'on vit ? Nos proches ? La société est-elle en capacité d’accepter et d’accueillir les personnes qui ont exécuté des peines en milieu carcéral et qui ont été exclues du fonctionnement sociétal ? Je ne le pense pas. En tout cas, pas actuellement. La justice est confrontée à la pression de la société civile : si quelqu’un a été puni, c’est qu’il le méritait. Ce raisonnement est celui de ceux qui tournent en rond car, dans ces cas là, à quoi sert la prison ? Est ce uniquement une punition ou un outil de réinsertion ?


Aujourd’hui, le système carcéral met des gens à l’écart de la société, en sachant très bien qu’ils ne pourront pas y revenir et être à nouveau des citoyens à part entière. Si c’est ça la punition, alors, ce n’est plus une peine de 5, 10 ou 20 ans qu’on nous inflige mais une peine pour toute la vie. Pour moi, cela fera 40 ans. 40 ans que j’ai complètement été exclu d’une société où je ne retrouverai jamais ma place. Et ça, c’est une double peine.


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Léo Vincent (compositeur et chanteur), Romuald Racioppo (dessinateur), Flora Courouge (administratrice de théâtre), Eric Jayat et Lore, Anne-Charlotte de Rochechouart (directrice artistique et illustratrice), Liselotte Girard (conceptrice-rédactrice et illustratrice), Emilie Raisson (administratrice de production La compagnie des Hommes), Olivier Dion (photographe), Marie Pomme (journaliste), Marguerite Hennebelle (illustratrice), Louise Baratault (illustratrice), Chloé Sussi (illustratrice), Viktor Fretyan (architecte), Jean Barrucand (monteur)

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